Le New York Cosmos était sans doute le mieux indiqué à faire voler dans l’Espace le premier maillot d’un club de football. Perdu ! C’est l’Inter qui a eu cet honneur prestigieux en 2011. Et ce grâce à l’astronaute tifoso interista Paolo Nespoli, récidiviste avec le maillot de la Nazionale six ans plus tard !  

Chérif Ghemmour   

En mai 2011, au cours de la mission spatiale MagISStra, l’astronaute italien Paolo Angelo Nespoli flottant en apesanteur a été immortalisé en photo, portant la glorieuse maglia (maillot, en italien) des nerazzurri. Milanais périphérique, car natif de Verano Brianza, le Major Nespoli était et est resté un tifoso de longue date de la Beneamata (« la bien aimée », autre surnom de l’Inter), admirateur déclaré de Facchetti, Mazzola, puis Zenga et Ronaldo.

Les clichés pris dans l’Espace indiquent que le Chevalier de Ciel italien arbore la tunique nerazzura du triplé historique de 2010, modèle domicile à manches longues et col en V. Les bandes bleues et noires en dégradé géométrique high-tech, vues de loin (c’était la grande mode, à l’époque), sont bien sûr barrées en blanc horizontal stylisé par le nom du sponsor emblématique, Pirelli.

Quand le maillot de l’Inter a voyagé dans l’Espace

Le devant de la tunique est constellé, c’est le cas de le dire, du logo circulaire du club surmonté d’une étoile, sur le cœur. Au centre, le badge FIFA de vainqueur de la Coupe du monde des clubs (3-0 contre le TP Mazembe) et à droite, entre  la virgule Nike, l’équipementier, figurent en haut le Scudetto tricolore de champion d’Italie en titre, et en bas, la coccarda ronde vert-blanc-rouge de vainqueur de la Coppa Italia. Le verso est floqué du nom stylisé Nespoli surmontant un numéro 10, évidemment synonyme de chef d’équipe, de regista, quoi ! 

À l’insu de la NASA !

Lors de cette mission MagISStra débutée le 17 décembre 2010 et achevée le 24 mai 2011, l’Inter est encore au top, finissant deuxième de Serie A, après les cinq scudetti d’affilée (2006-2010) et le quintuplé inouï de l’année 2010 (Serie A, Coppa Italia, C1, Supercoupe d’Italie et Coupe du monde FIFA).

Quand on me pose des questions sur mon soutien à l’Inter, je dis toujours que cette photo a fait de moi un dieu pour 3% de la population italienne et un diable pour tout le monde !

Paolo Nespoli

Pour La Gazzetta dello Sport, Paolo Nespoli avait narré en octobre 2019 les circonstances de son petit exploit intériste dans la Station Spatiale Internationale (SSI) de la NASA : « Habituellement, les astronautes américains portent des maillots de football, de basket-ball et de baseball : la photo est prise, puis à leur retour sur Terre, le maillot est emballé et remis à l’équipe. J’ai pensé faire la même chose avec l’Inter. La NASA ne publie normalement pas ces photos pour des raisons commerciales. Elle a fait une erreur avec moi : je portais le maillot de l’Inter pendant que le commandant mettait les armoiries de la mission, et il m’a dit : ‘reste habillé comme ça’. J’imaginais que la photo resterait secrète. Mais la NASA ne connaissait pas l’Inter ! Et la photo a donc été rendue publique. C’était le maillot post-Triplé 2010. Quand on me pose des questions sur mon soutien à l’Inter, je dis toujours que cette photo a fait de moi un dieu pour 3% de la population italienne et un diable pour tout le monde ! »

https://x.com/Inter/status/941333291755540480

Et 1-0 pour l’Inter face à la Juve. Car en février 1996, Umberto Guidoni, autre astronaute italien mais supporter, lui, des bianconeri, parti lui aussi pour l’espace à bord de la navette Columbia, n’avait apporté avec lui qu’un fanion dédicacé par tous les joueurs et managers de la Juventus. Un maillot de club, c’est quand même plus classe… 

Un « Forza Italia ! » envoyé de l’Espace…

Les pérégrinations spatio-footballistiques de Paolo Nespoli se sont poursuivies le 24 novembre 2016, jour où il s’est vu remettre au siège de la FederCalcio et des mains de son président, Carlo Tavecchio, un maillot de l’équipe d’Italie floqué de son nom et du numéro 10.

Réaffirmant le partenariat de la fédé italienne et de l’ASI, l’Agence Spatiale Italienne, Carlo Tavecchio avait chaleureusement accueilli le héros national : « C’est un honneur d’avoir un de nos astronautes qui représente le pays dans une mission aussi importante l’année prochaine. Nous sommes heureux de lui offrir un maillot avec le numéro dix, un numéro qui dans le football est habituellement sur les épaules de leader de jeu. Et c’est un peu ce que sera son rôle en orbite. »

Je porterai fièrement le maillot en orbite. Je suis 100% italien et je me sens bleu à l’intérieur. Quand l’équipe nationale joue, il est difficile de résister à l’appel d’encourager nos gars.

Paolo Nespoli

En prévision de sa troisième mission spatiale baptisée « Vita » (Vitalité, Innovation, Technologie et Capacité, du 28 juillet au 14 décembre 2017), à nouveau à bord de la SSI et en tant que membre de l’équipage de la NASA, Nespoli avait répliqué à Tavecchio : « Je porterai fièrement le maillot en orbite. Je suis 100% italien et je me sens bleu à l’intérieur. Quand l’équipe nationale joue, il est difficile de résister à l’appel d’encourager nos gars. »

Après le maillot de l’Inter, consacrée en tant que premier club à voler dans l’Espace, c’était au tour de la Squadra Azzurra de se distinguer en pionnière des sélections nationales ! C’est chose faite le 1er septembre 2017, où un Nespoli en apesanteur et vêtu du maillot italien envoie un message vidéo de soutien à la Nazionale qui doit affronter le lendemain l’Espagne au Bernabeu en éliminatoires du Mondial russe de 2018 : « Je suis sûr que tous les Italiens seront, comme toujours, aux côtés de l’équipe nationale, tout comme moi et tous ceux qui sont loin de chez eux. Je porte ce maillot et le porterai à nouveau demain soir, promesse de Nespoli ! Je regarderai ce match d’ici en encourageant les AzzurriUn salut à toute l’équipe : au sol comme en orbite, c’est l’équipe qui gagne. Vous aussi aurez votre mission spatiale demain et je vous souhaite bonne chance. Depuis l’espace : FORZA AZZURRI ! »

La tête dans la deuxième étoile

Hélas, le lendemain 2 septembre, la défaite 3-0 à Madrid dans un groupe G où la Roja et la Nazionale étaient à égalité avant la rencontre, envoya l’Italie, finalement deuxième, en barrage dramatique contre la Suède : le 13 novembre 2017, après le 0-1 à Stockholm, le nul 0-0 élimina les gars de Gian Piero Ventura… Malgré les encouragements de Nespoli, l’Italie allait zapper la Coupe du monde en Russie, une première depuis 1958 !

Dans l’espace, vous êtes responsable de votre vie et de celle de ceux qui vous entourent, ainsi que des résultats de ceux qui ont travaillé si dur pour la mission.

Paolo Nespoli

En 2019, dans La Gazzetta dello Sport, l’astronaute dressera une comparaison avisée entre les entraîneurs de football et les commandants de missions spatiales : « La responsabilité des missions n’est pas entre les mains des astronautes. Tout tourne autour du directeur de vol, l’équivalent de l’entraîneur de football. Depuis le sol, il donne des instructions pour les missions qui doivent ensuite être mises en pratique. Dans le football, certes, il y a ceux qui marquent, mais un entraîneur qui sait diriger ses hommes, c’est fondamental. Je ne connais pas Antonio Conte (alors coach des Nerazzuri, ndlr) mais quelqu’un comme lui est vraiment indispensable. Le stade n’est pas un environnement isolé comme l’espace mais l’adrénaline est tout de même la même. Bien sûr, si vous ratez un penalty, vous ne mourez pas physiquement mais l’erreur a un impact incroyable sur votre vie et celle de beaucoup d’autres. Dans l’espace, vous êtes responsable de votre vie et de celle de ceux qui vous entourent, ainsi que des résultats de ceux qui ont travaillé si dur pour la mission

La mission Serie A sera finalement réussie en 2021 par le directeur de vol Antonio Conte. Paolo Nespoli n’emporta pas dans l’Espace le maillot de ce 19ème titre de champion mais tout le peuple nerazzuro monta au ciel en 2024 en atteignant la deuxième étoile, synonyme du 20ème scudetto interista, remporté sous l’égide du commandant de bord, Simone Inzaghi.

Quand le maillot de l’Inter a voyagé dans l’Espace
Chérif Ghemmour   

À lire aussi

Suivez Dégaine sur