Lifestyle
Pourquoi les créateurs de mode s’intéressent au football
Créateurs et designers cherchent à investir dans le foot.
Alors que la production de maillots se multiplie, les créateurs et designers cherchent à investir ce nouveau marché de la mode. Plongée dans le curieux microcosme des capsules.
Le 4 mai dernier, Naples savourait le deuxième titre de champion d’Italie de son histoire, 33 ans après son dernier sacre. Un accomplissement sportif d’envergure pour les Napolitains, et une place supplémentaire sous les projecteurs glanée par Emporio Armani. Équipementier du club depuis 2021, la maison italienne est parvenue à se pérenniser dans le monde du sport, chose rare pour un microcosme qui ne se limitait jusque-là qu’aux collaborations éphémères.
Ces crossovers entre semi-luxe et football se sont en réalité durablement implantés depuis la fin des années 2010. Profitant de la démocratisation de la culture urbaine – à travers le rap et le streetwear notamment – les marques sont parvenues à intégrer le marché du sport numéro un, afin d’élargir leur public et se détacher d’une étiquette élitiste difficilement contestable.
L’objectif est d’alors de viser juste, à savoir la tranche des 20-30 ans, principaux consommateurs de textile sportif. Un plan à long terme, porté par différents facteurs. Tout d’abord en s’appuyant sur l’influence des footballeurs, nouvelles égéries mode, dans la lignée du « hip-hop-sport » établi par les basketteurs en début de siècle. Puis en faisant du joueur, des figures beaucoup plus stylisées et fièrement exposées durant les Fashion Weeks, loin de l’image traditionaliste des publicités Danette ou Cristalline.
Devenus accessoires de mode à part entière, maillots et survêtements de football ont dès lors gagné le droit de citer, et permis aux créateurs d’enfin toucher une plus grande audience. Pour trouver trace d’une première collaboration, il faut ainsi remonter à l’automne 2014. Sur la pelouse de Ludogorets, le Real Madrid étrenne son ensemble Ligue des champions siglé Adidas, mais entièrement dessiné par le Japonais Yohji Yamamoto. Une tunique noire, couleur caractéristique du designer nippon, grimée d’un dragon blanc à l’avant, en hommage à ses origines.
La rencontre entre Adidas et Yamamoto entérine alors une relation entamée en 2002, avec la naissance de la firme « Y-3 ». Une griffe que les Madrilènes arboreront d’ailleurs en 2022 sur un maillot spécial, de nouveau en full black, à l’occasion d’un Clásico perdu face au FC Barcelone (0-4). Prélude de ce que deviendront les relations entre stylistes et équipementiers, le trio Yamamoto-Adidas-Real Madrid métamorphose définitivement la discipline.
La marque aux trois bandes s’est d’ailleurs érigée en porte-drapeau. Sur ces deux dernières années, la Juventus, l’Ajax, le Bayern Munich, Manchester United ou la sélection japonaise ont en effet eu droit à leur capsule. Des designs réalisés aux côtés de Palace, Daily Paper, Humanrace, Fly Nowhere ou NIGO. En tentant ce coup commercial, l’objectif pour Adidas est surtout de rattraper le retard pris sur le rival Nike. Si la virgule s’est établie en référence du streetwear avec la NBA, elle en a récemment fait de même en football.
Le résultat d’un partenariat d’envergure signé avec le Paris Saint-Germain à l’été 2018, afin d’y introduire sa filiale Jordan. Estimé à 60 millions d’euros annuels, le contrat liant Jordan au PSG s’est imposé comme un tel succès économique qu’en 2021, les deux entités envisageaient d’exceptionnellement remplacer la Tour Eiffel de l’écusson parisien par le Jumpman. Une initiative finalement rejetée par les supporters.
Dès lors, si Adidas s’est engouffré dans cette quête du chic, les designers, eux, cherchent à faire le chemin inverse. Et comme terrain de chasse, rien ne vaut le pays de la mode : l’Italie, où une bonne partie des capsules a vu le jour. On commencera par l’évidence Kappa, parvenu à se refaire une place sur le marché grâce à sa relation avec le groupe de design italien, Fly Nowhere cité plus haut, puis les Allemands de Bureau Borsche.
Chargé de restructurer le Venezia Calcio, Kappa s’est offert une sérieuse réussite marketing, lui permettant de voir plus grand, avec la collaboration entre l’AS Monaco et Drôle de Monsieur. Plus récemment, c’est le modeste pensionnaire de D2 grecque, l’Athens Kallithea, qui a eu le droit à ses maillots uniques, imaginés par Borsche. Une volonté pour Kappa d’attiser la curiosité, par le biais de clubs plus modestes.
Tout un processus, venu faire de l’Italie un champ d’expérimentation qu’il suffit d’égrainer : l’AC Milan, vêtue par Nemen et Koché, Naples et sa collection signée Marcelo Burlon, le duo Roma-Aries, Bari par LC23 ou encore Vicenza, habillé par Diesel (dont le patron, Renzo Rosso, est également le propriétaire du club), ont eu le droit à leur collection. Le marché étant désormais ouvert, il ne reste plus qu’à l’exploiter, tant du point de vue des créateurs que de celui des équipementiers. Comme la preuve, s’il en fallait une, que le football est véritablement devenu mainstream. Alors, bonne nouvelle ou pas ?