Pour rendre plus visible le numéro à l’arrière de ses maillots, la Juventus a tenté, à la fin des années 50, de les colorer de rouge.

Eric Maggiori

Apposer un numéro, puis un nom, sur des rayures noires et blanches, requiert de nombreuses pirouettes stylistiques. La Juventus peut en témoigner. Depuis l’introduction des numéros sur les maillots, la Vieille Dame galère à les rendre visible sur ses rayures bianconere. Numéro blanc sur un aplat noir, dossard blanc, forme cylindrique noire… le club turinois a tenté plusieurs choses, avec plus ou moins de succès. 

Et puis, en 1957, vint une idée. Pourquoi ne pas tenter de mettre le numéro de maillot en couleur ? Les sources n’en sont pas certaines à 100%, mais il semblerait que l’idée soit venue du président Umberto Agnelli en personne. Et comme en ce même été 1957, Agnelli a ramené à Turin Omar Sivori et John Charles, il aurait été difficile de lui dire non pour un simple numéro rouge.

Sivori-Charles, le rouge à l’honneur

La Juventus débute donc la saison 1957-1958 avec ce combo totalement inédit : rayures noires et blanches, numéro rouge au dos. Et c’est une petite révolution : de fait, à l’exception du Scudetto (vert-blanc-rouge), c’est la première fois qu’une couleur “étrangère” fait son apparition aux côtés des teintes traditionnelles du club.

Quand la Juventus portait des numéros rouges

Ce choix, à la fois raffiné et réfléchi, témoignait d’une certaine noblesse d’allure que l’équipe piémontaise, étroitement liée à la famille Agnelli depuis 1923, ne cessait d’incarner à travers tout le pays.

Or, cette saison-là, le nouveau duo Charles-Sívori va restituer au Piémont le titre de champion d’Italie, le dixième, synonyme de première étoile. Ce qui va, directement, ancrer les numéros rouges dans l’imaginaire collectif.

Rouge sur blanc, tout fout l’camp

Lors des années qui vont suivre, celles des grands succès du trio Charles-Sivori-Boniperti, la Juventus décide donc de garder les numéros rouges dans le dos. Mais va effectuer un changement notable en 1966. Alors que l’Inter domine depuis quelques saisons les débats en Italie, la Juventus va remporter l’un des Scudetti les plus dingues de son histoire, en passant devant les Interisti à la dernière journée.

Et ce triomphe se fait donc avec une nouveauté sur son maillot : pour rendre plus visibles les numéros rouges, le club turinois choisit d’apposer, en dessous du numéro, un gros carré blanc.

Quand la Juventus portait des numéros rouges

Ces numéros rouges resteront apposés sur les maillots des joueurs piémontais pendant encore quelques saisons, avant de céder leur place à un nouveau style à l’été 1970. 

Quand la Juventus portait des numéros rouges

En effet, à partir du tout début des années 70, la Juve passe de maillots amples, presque style chemises, à des maillots en coton beaucoup plus prêts du corps. Au dos du maillot, les numéros rouges sont abandonnés, au profit de numéros blancs délicatement posés sur un carré noir.

Et évidemment, en France, quand on pense à ce combo « carré noir-numéro blanc », impossible de ne pas visualiser immédiatement le numéro 10 de Michel Platini. Tellement iconique.

Michel PLATINI of Juventus talk the assistant referee during the Intercontinental Cup, Toyota Cup, match between Juventus and Argentinos Juniors, at National Stadium, Tokyo, Japan on 8 December 1985 ( Photo by Michel Barrault / Onze / Icon Sport )   - Photo by Icon Sport

1998, retour raté vers le passé

On pensait que les numéros rouges appartenaient désormais au passé et aux archives du club. Mais en 1998, Kappa succombe à une lubie : les remettre au gout du jour. Et voilà donc qu’à l’été 1998, l’équipementier italien présente les nouveaux maillots de la Juventus avec, au dos, le numéro – et désormais le nom – du joueur en rouge. 

Bildnummer: 00554224  Datum: 13.09.1998  Copyright: imago/Alternate Filippo Inzaghi (Juve); hoch, close, hinten, Rücken, Rückansicht, Rückennummer Serie A 1998/1999, 1. Italienische Liga, Perugia - Juventus Turin 3:4, Vdia Perugia Stadio Renato Curi Fußball Herren Mannschaft Italien Einzelbild Aktion Personen   - Photo by Icon Sport

Problème : nous ne sommes plus dans les années 60. Les matchs sont désormais diffusés sur les chaînes de télévision du monde entier, et l’oeil de la caméra ne pardonne pas.

Ainsi, toute une nouvelle génération de supporters découvre avec consternation à quel point il est peu gracieux d’associer des numéros rouges à des rayures noires et blanches. D’autant plus qu’on y ajoute, à présent, des noms totalement illisibles, même à quelques mètres de distance.

Thierry HENRY of Juventus Turin and Lilian THURAM of Parma during the Serie A match between Juventus and Parma on February 7, 1999 at Del Alpi stadium in Turin, Italy. (Photo by Pierre Minier/Onze/Icon Sport)   - Photo by Icon Sport

Coïncidence ou non, malgré des joueurs exceptionnels (Del Piero, Zidane, Davids, Inzaghi…) et un statut de champion en titre, la Juve termine, avec ce maillot à flocage rouge, à la 7e place de Serie A, soit son pire classement depuis… 1962.

Le rouge a été abandonné dès la fin de la saison 1998-99, mais n’avait toujours pas dit son dernier mot. 

Après avoir passé une saison en Serie B en 2006-07, la Juventus remonte en Serie A et Nike décide de fêter ce retour avec un autre retour : celui des numéros rouges !

Joie ALESSANDRO DEL PIERO / DAVID TREZEGUET - 20.04.2008 - Atalanta Bergame / Juventus - 34eme journee de Serie A - Photo : Aldo Liverani / Icon Sport   - Photo by Icon Sport

Mais encore une fois, c’est un flop, malgré la tentative de mettre un double contour noir et blanc pour une meilleure visibilité. Même la marque au swoosh n’est pas convaincue, et au terme de la saison, les numéros rouges s’en vont à nouveau…

Le rouge n’a, depuis, plus jamais été retenté sur les maillots turinois. Et c’est certainement une très sage décision.

Eric Maggiori

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