Mirko Borsche est allemand, il a 52 ans. Il a suivi des études à Londres et à Augsburg. Aujourd'hui, il est l'un des graphic designers les plus prisés. Et pour cause : il est à la tête de Bureau Borsche, un studio qu'il a créé en 2007, et qui est notamment à la réflexion derrière les maillots du FC Venezia, de Kallithea ou de l'Inter Milan.

Propos recueillis par Pierre Maturana

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Quelle est la ligne directrice initiale de Bureau Borsche ?

On s’efforce de trouver le bon équilibre entre la direction artistique, le design, et créer nos propres projets. Nos idées de design sont connues pour leur versatilité et partent du principe que le design est une source de d’apprentissage, de compréhension et de joie. Nous donnons des conseils en design et communication à des clients de tous secteurs. On aime se creuser les méninges le plus possible pour faire preuve d’originalité dans notre travail dans les domaines de l’art, de la sous-culture et du design.

Bureau Borsche a connu un boom de notoriété auprès du grand public grâce notamment à votre travail sur le maillot de Venise. Quel a été le point de départ de votre collaboration avec Kappa et Ted Philipakos ?

Ted était responsable du choix des designers. Et il m’a choisi. Kappa nous a ensuite permis de transformer nos idées en réalité, tout en garantissant ses standards de qualité et de performance. Précédemment, nous avions travaillé avec d’autres marques de mode comme Supreme et des équipementiers tels que Nike. Kappa le savait et c’est pourquoi ils nous ont accordé leur confiance. Et on avait un partenaire à qui on pouvait dire : « Par le passé, vous aviez tel maillot, avec telle coupe, ce serait bien de pouvoir refaire ça… »

Mirko Borsche: "Venezia génère 4 millions d’euros par an avec son maillot !"

Avez-vous été surpris par l’incroyable succès des maillots de Venezia ?

A Venise, on savait depuis le début que la communauté de supporters était relativement petite. Comme le club venait d’être fondé, on a d’abord imaginé des maillots domicile et extérieur. On a décidé de miser sur les touristes qui venaient à Venise. Au lieu d’acheter un masque vénitien ou une gondole dans une boule à neige, les touristes pouvaient repartir avec le maillot. C’était hyper important pour nous que le maillot puisse porter avec un jean ou un jupe. C’est pourquoi nous avons organisé toutes les séances photos comme des shootings de mode, principalement avec une modèle qui vient de Venise, qui porte la voix de la ville. Ca a l’air de marcher puisque le club de Venezia génère maintenant 4 millions d’euros par an avec son maillot domicile !

Quand vous travaillez avec des clubs comme Venise, Kallithea ou l’Inter Milan par exemple, comment décidez-vous de la direction artistique que vous allez prendre ?

C’est un des sujets les plus délicats quand tu es graphic designer. Le foot est un incroyable champ d’expression démocratique, le groupe cible est très large et tu dois composer avec la tradition et la passion. C’est en réalité quasi-impossible de refaire un design. La photographie est très importante. Ca ne s’était jamais vu auparavant de photographier une jeune femme en maillot de foot assise devant un marchand de glaces. On n’avait jamais fait de maillot avant donc on s’est concentré sur ce qu’on fait de mieux, c’est-à-dire la direction artistique : trouver de bons photographes, un bon casting, de beaux endroits et réfléchir à la façon de les mettre en scène. On savait que les réseaux suivraient le mouvement si on produisait du super contenu. Il fallait que beaucoup de gens le reposte. Je suis sûr que ces trois dernières années, il y a eu des maillots plus beaux mais personne ne les a vus.

Venezia génère maintenant 4 millions d’euros par an avec son maillot domicile !

M.Borsche

Les maillots de foot revêtent une importance particulière pour les supporters qui veulent que ça colle avec l’histoire de leur club. Comment faites-vous rentrer cela dans le processus de création ?

C’est tellement difficile ! Plein de gens sont concernés, des générations entières partagent leur engouement, d’un enfant de 3 ans à une personne de 99 ans qui s’est fait tatouer le blason du club dans le dos ou quelqu’un qui aurait recouvert son toit aux couleurs club ! Il y a cependant des éléments qui sont culturellement rassembleurs, au-delà des différences de groupes ou d’opinions politiques par exemple. Chaque changement peut potentiellement causer une grande déception. Quand on dit qu’on va redessiner quelque chose, ça ne sonne généralement pas comme quelque chose de positif, ça peut vouloir dire que l’ancien maillot n’était pas beau par exemple.

Quelles sont vos inspirations et influences ?

Les gens qui vous entourent au quotidien ont beaucoup d’influence sur vous, mais c’est tellement différent d’un individu à un autre…

Mirko Borsche: "Venezia génère 4 millions d’euros par an avec son maillot !"

Comment analysez-vous la percée du maillot de foot dans la mode et le lifestyle ces dernières années ?

Il y a beaucoup de marques, dont des marques de luxe comme Louis Vuitton ou Balenciaga, qui ont travaillé autour du maillot de foot, qui les ont intégrés à leur collection. Quand nous avons commence à créer des maillots de foot il y a quatre ans, ce n’était pas aussi dense, mais désormais il y a des lancements, des reveals et des collaborations avec des marques de mode partout, tout le temps. Dans les concerts de rap, chaque jeune porte un maillot de foot, fille ou garçon. C’est facile de l’intégrer à n’importe quel look.  C’est aussi un objet de collection et il y a vraiment une mentalité à part chez le collectionneur. Tu n’achètes pas juste un maillot domicile de ton club, tu en as quarante chez toi ! Tout est question de look et de détails, comme les gens qui collectionnent les cartes Pokemon : « Est-ce que j’ai bien le maillot floqué Cantona avec le bon numéro et le badge Ligue des Champions ? ».

Je suis sûr que ces trois dernières années, il y a eu des maillots plus beaux mais personne ne les a vus…

M.Borsche

Vous pensez que ça va durer ?

Le foot a toujours été là. Si vous regardez en arrière, vous verrez des légendes comme Mike Tyson, Liam et Noel Gallagher, mais aussi plein de stars d’Hollywood se montrer avec par exemple un vieux maillot de l’équipe de France floqué Thierry Henry. Il y a tellement de photos de Snoop Dog en maillot de foot… Quand il était en tournée en Europe, il portait un maillot de l’équipe de chaque ville où il se produisait. Puis on voit bien que les maillots des années 90 sont très demandés. Ils ont des coupes plus larges et généreuses.

Mirko Borsche: "Venezia génère 4 millions d’euros par an avec son maillot !"

Au fait, vous aimez le football ?

J’aime le foot, j’aime les maillots. Je sus un fan du Bayern Munich depuis que j’ai deux ou trois ans ! Mon maillot préféré, c’est celui du Bayern, saison 1992/93, avec le sponsor Opel et les trois bandes bleues.

Quelles sont vos ambitions pour la suite dans le domaine des maillots de foot ?

Les anciens logos et écussons sont vraiment cool. Ils sont plus retro, ils apportent une touche plus authentique. Le maillot parfait, c’est celui qui va à l’essentiel. Ca devient très beau quand tu arrives à te débarrasser du superflu. Cette façon de surcharger avec des détails et des couleurs, pour moi, quelque part, c’est terrible…

<br />Mirko Borsche / Crédits : Martina Borsche
Mirko Borsche / Crédits : Martina Borsche

 

Propos recueillis par Pierre Maturana

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