Plus que jamais, le marché des faux maillots ne cesse de grappiller du terrain. En quelques années, le faux maillot est devenu légion, à tel point que c’est parfois lui qui a la côte au détriment du vrai. Mais comment ce phénomène a-t-il explosé ? 

Tristan Pubert

Un rayon de soleil et un thermomètre affichant plus de 25 degrés suffisent à ce que les maillots de football soient de sortie. Avec son maillot du Santos FC floqué Neymar, Alassane n’est pas du genre à se prendre trop la tête durant l’été, lorsqu’il s’agit de choisir son accoutrement. « Un short noir, claquettes-chaussettes et un maillot de foot, c’est un peu le classique quand il fait beau », rigole ce fan de la première heure de Neymar da Silva Santos Júnior.

Il faut dire que l’armoire de ce dernier a de quoi faire saliver bons nombres de collectionneurs : des maillots du Brésil, de la France, du Barça, en passant par le Sénégal, Leipzig, la Juve ou encore celui du Club América, son préféré. Et quand on lui demande si ces pièces sont des « vraies », sa réponse est limpide : « Bien sûr que non, je n’ai pas honte de le dire (rires). À part le maillot du Sénégal que j’ai acheté lorsque l’on a remporté la CAN en 2022 (Alassane est d’origine sénégalaise, NLDR), je n’ai aucun vrai maillot. »

Mais Alassane n’est pas le seul à avoir dans son armoire autant de faux maillots. En effet, selon l’Union des Fabricants, ce ne sont pas moins de 15% des 15-24 en Europe qui achètent régulièrement des produits de sport contrefaçon. 

Le grand business des faux maillots

« Ils se foutent de notre gueule »

« Mettre 140 euros dans un maillot, faut vraiment être fou pour faire ça », introduit William, fan du PSG, qui a encore en travers de la gorge le départ de Mbappé. Tout comme Alassane, ce dernier n’achète désormais qu’exclusivement des faux maillots. Et le premier argument est forcément économique, suite à la flambée des prix des vrais maillots jugée dérisoire.

En 2013, un maillot d’un club de Ligue 1 coûtait en moyenne 69 euros, contre 81 euros en 2024. « Juste avant l’Euro, je m’étais chauffé à prendre le maillot extérieur de la France sur le site officiel. Je suis allé sur la boutique et quand j’ai vu le prix, j’ai fermé l’onglet et commandé le faux pour quatre fois moins cher », explique Alassane, avec un rire jaune. En effet, pour un maillot de l’Équipe de France sur la boutique officielle de la FFF, vous devez compter 99,99 euros, 121,99 euros avec un flocage. 

À titre comparatif, sur un site de faux maillots, le même maillot avec le même flocage est à 30 euros, frais de livraison inclus. Un argument que conçoit Virgile Caillet – délégué général de Union Sport & Cycle (organisation patronale des entreprises de l’industrie et de l’économie du sport) – mais qui rappelle que « les équipementiers vendent leurs produits à un prix élevé car ils respectent différentes règles liées à la qualité du textile, le respect des conditions de travail, des choses que les producteurs de faux maillots ne respectent pas pour la plupart. » 

Les équipementiers vendent leurs produits à un prix élevé car ils respectent différentes règles liées à la qualité du textile, le respect des conditions de travail, des choses que les producteurs de faux-maillots ne respectent pas pour la plupart.

Virgile Caillet

« Aujourd’hui, être fan de football, c’est limite devenu un luxe. Entre les abonnements TV, le prix des places au stade, la licence si tu fais du football au club et en plus, tu dois lâcher minimum 100 euros pour le maillot de ton équipe. C’est beaucoup trop, ils se foutent de notre gueule », s’agace William, qui n’hésite désormais plus à remplir sa valise de faux maillots lors de ses voyages, notamment en Thaïlande.

Justement, les voyages. Sur le parvis du stade de la Beaujoire, à quelques minutes de la rencontre des Jeux Olympiques entre l’Égypte et la République dominicaine (0-0), François, Victor et Pierre portent respectivement les maillots du Mexique, du Sénégal et de la Colombie, tous des faux. « On achète principalement nos maillots lors de nos voyages, celui-là du Mexique, je l’ai seulement payé 5 dollars là-bas », avance François. Son ami Pierre ajoute : « Sur les marchés locaux, il y a plein de maillots. On l’achète finalement un peu comme un souvenir. On sait qu’il ne va pas sûrement nous faire longtemps, on n’est pas très exigeant et on cherche que finalement à avoir la couleur du maillot et le logo. »

Le grand business des faux maillots

Des faux maillots de plus en plus qualitatifs et accessibles 

Outre le prix défiant toute concurrence des faux maillots, ce sont surtout la qualité et l’accessibilité de ces produits qui ont fait la différence. « À l’ancienne, quand un pote avait un faux maillot, on le remarquait directement et on en rigolait. Maintenant, c’est vraiment difficile de faire la différence entre un vrai et un faux. Et puis pour se procurer des faux, il fallait se rendre sur des marchés, aller en Espagne ou au bled. Aujourd’hui, tu peux le commander sur Internet », justifie William.

Le constat est partagé pa Alassane : « Avant, c’était un peu la honte d’avoir un faux-maillot, on le remarquait tout de suite. Mais maintenant, je trouve qu’ils sont extrêmement bien faits, je pense que c’est aussi pour ça que les gens achètent beaucoup plus de faux maillots, la qualité est présente. » Et les producteurs de faux maillots qui ont même par moment un temps d’avance sur les équipementiers : « Quand j’étais en Espagne, les faux maillots du Real floqués Mbappé étaient en vente avant les vrais », ajoute Pierre. 

Maintenant, les faux maillots sont extrêmement bien faits, je pense que c’est aussi pour ça que les gens achètent beaucoup plus de faux maillots, la qualité est présente.

Alassane

« Sur Vinted, il y a énormément de maillots, parfois même des anciens maillots et des éditions limitées. Dernièrement, j’ai acheté un maillot du Brésil à 30 euros de très bonne qualité. Je ne sais pas si c’est un vrai ou pas et honnêtement, ce n’est pas très grave, du moment que le produit est de qualité », se rassure François. Un marché qui ne cesse d’exploser, en atteste cette statistique : la contrefaçon représente près de 15% des parts de marché dans le marché des articles de sport, pour un chiffre d’affaires qui aurait atteint les 82 millions d’euros en 2016. 

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Que faire pour endiguer ce phénomène ? 

Mais alors que faire face à ce phénomène ? Théoriquement, en France, la vente et la détention de contrefaçon sont considérées comme un délit, passible de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Ça, c’est la théorie. Mais en pratique, les choses sont beaucoup plus délicates : « Il est difficile aujourd’hui à contrôler ce marché parallèle tant la demande est extrêmement forte, et l’offre également. La grande majorité des vendeurs de faux maillots commercialisent leurs produits sur des sites internet difficilement traçables. Les autorités ont vraiment du mal à identifier les acteurs. En France, la douane essaye tant bien que mal de lutter face à ce fléau, mais c’est très difficile », explique Virgile Caillet, qui rappelle que « les équipementiers offrent des formations aux douaniers en présentant leurs produits pour qu’ils soient plus facilement identifiés lors des contrôles.

Si quelques grosses saisies par-ci par-là ont lieu, comme en mai dernier en Espagne où les autorités ibériques ont mis la main sur onze tonnes de faux maillots de foot, le marché de la contrefaçon continue de faire son beurre. Selon l’Union des fabricants, en 2023, la contrefaçon aurait causé une perte de près de 850 millions d’euros aux clubs de sport et aux équipementiers.

Le grand business des faux maillots

« Pour lutter contre ce phénomène, il faut prendre le problème à la source, c’est-à-dire dès la production », souligne Virgile Caillet. Il ajoute : « Beaucoup de ces faux maillots sont fabriqués dans les mêmes usines que les vrais. Autrement dit, ils peuvent avoir accès au catalogue des équipementiers. Pour lutter contre la contrefaçon, il est nécessaire de faire plus de contrôles dans ces usines. »

Beaucoup de ces faux maillots sont fabriqués dans les mêmes usines que les vrais. Autrement dit, ils peuvent avoir accès au catalogue des équipementiers.

Virgile Caillet

Pour bon nombre d’acheteurs de ces faux maillots, les principaux responsables restent les équipementiers, comme le rappelle Alassane : « Je vais continuer à en acheter tant que les vrais maillots de football ne seront pas à un prix abordable. » Même vision pour William : « On ne peut pas nous reprocher d’acheter des faux maillots quand on voit le prix des vrais. Les principaux responsables, ce sont les clubs et les équipementiers qui ne comprennent pas que la grande majorité des gens ne peuvent pas mettre 100 euros pour un maillot de foot. » 

Tristan Pubert

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