Élu par les fans de MU plus grand joueur de l’histoire du club en 2003 puis élu meilleur joueur de l'histoire de Premier League en 2005 ! Rien que ça… C’est en quittant la France qu’Éric Cantona est devenu « le King », chamboulant l’Angleterre, son football et sa société, de 1992 à 1997...

Chérif Ghemmour

« I love you. I don’t know why, but I love you. » Mai 1992 : l’Angleterre vient de craquer pour Éric Cantona au moment où the brat (« le gamin », son surnom) remercie les fans en liesse du Leeds United tout juste sacré champion. Débarqué chez les Peacocks en janvier, Éric a sensiblement contribué à la conquête d’un titre après lequel Leeds courait depuis 18 ans.

Eric Cantona - 08.08.1991 - Leeds / Liverpool - Charity Shield - Photo : Photoshot / Icon Sport   - Photo by Icon Sport

Six mois plus tôt, le 7 décembre 1991, sous les couleurs nîmoises, il avait mis un terme à sa carrière après une suspension de quatre matchs infligée par les juges disciplinaires  de la FFF (qu’il avait en sus traité d’« idiots »), suite à un lancer de ballon sur l’arbitre ! Un énième pétage de plombs de la part du crack caractériel formé à Auxerre et passé par l’OM de Tapie (champion de France 1989 et 1991) et qui avait déjà choqué la France entière en août 1988 en insultant Henri Michel (« sac à merde »). Motif : le sélectionneur des Bleus ne l’avait pas retenu chez les Bleus. Sanction : suspension d’un an en EdF…

Au printemps 1992, la déclaration d’amour aux fans de Leeds prononcée avec cet accent so frenchy dont les Anglais raffolent est aussitôt samplée sur un beat techno qui finira en tube de l’été ! La Cantomania naissante va très vite déferler sur tout le Royaume Uni à partir de novembre quand Canto signe à Manchester United.

La Premier League vient juste d’être lancée et en raflant les deux premiers titres de champion, les Red Devils sont les glorieux promoteurs mondiaux d’un championnat british qui va détrôner la puissante Serie A. Par ses buts, son charisme et son style, le kid des Caillols (Marseille), troisième au Ballon d’Or 1993, va s’élever en soleil rayonnant sur la galaxie foot à la faveur d’un extraordinaire alignement des planètes…

Eric Cantona, Manchester United's new signing, with manager Alex Ferguson on 27th November 1992 Photo : Malcolm Croft / PA Images / Icon Sport   - Photo by Icon Sport

Nike bat Adidas !

La vibe rock-pop-acid de « Madchester » domine la scène musicale d’alors avec les Stone Roses finissants mais aussi les Happy Mondays, New Order ou James. Une rock attitude vite adoptée par Éric, admirateur déclaré des rebelles Rimbaud, Mickey Rourke ou Jim Morrison.

Il va peaufiner sur le terrain ce style particulier qui lui vaudra les surnoms majestueux et terrifiants d’Eric the Red et King Eric ! « Col relevé, tête levée, dos bien droit, torse bombé, il semblait glisser partout le terrain comme s’il en était l’unique possesseur », s’émerveillait son partenaire Roy Keane.

ERIC CANTONA - 14.08.1994 - Manchester United / Arsenal - Premier League Photo : Photoshot / Icon Sport   - Photo by Icon Sport

Brassard captain au bras, le King porte aussi le numéro mythique à MU, le 7, celui de George Best (grand fan du Frenchy) et, nouveauté en Premier League, son nom floqué au dos : CANTONA. Un nom facilement prononçable en anglais qui se déclinera vite en slogan sacré dans les travées d’Old Trafford (« Hou-haaaa ! Cantonaaaa ! »).

Éric est surtout un catalyseur publicitaire de la marque Nike conquérante dont les chaussures à crampons vont bientôt ringardiser le monopolistique Adidas. De son partenariat longue durée avec la marque US siglée du swoosh, il popularisera le modèle Nike Tiempo noire et blanche, best seller toujours référencé.

En 1996, dans une pub Nike Good vs Evil restée mythique, il figure en gladiateur qui atomise un gardien démoniaque d’un « au revoir », après avoir relevé son col…

Féru de mode après avoir déjà défilé comme mannequin pour la collection été Paco Rabanne en juillet 1993, il promeut également l’originalité visuelle de la Première League et de ses nouveaux maillots. Le modèle extérieur de MU jaune et vert à lacet et floqué SHARP est resté un objet culte des années Cantona.

French hype in the UK…

Sa personnalité multidimensionnelle décuple l’ampleur du phénomène en Albion. Il est caricaturé en grand balèze ombrageux dans la célèbre émission TV anglaise Spitting Image dont s’inspireront les Guignols de L’info qui reprendront les traits de sa marionnette anglaise. Associé à un JPP puéril, il est rebaptisé « Picasso » grandiloquent aux sentences absconses. Car Éric est aussi peintre et amateur de photo d’art !

Le flow d’Éric Cantona

Fan de musique, il fréquente juste quelques fois la boîte branchée The Hacienda (« car en tant que footballeur pro, je devais m’entraîner dur et faire attention au sommeil »), où il croise Joe Strummer ou New Order. Les frangins Gallagher d’Oasis, fans du rival Man City, l’admirent en secret…

Son charme italo-espagnol (origines de ses parents) réveille l’exotisme ensoleillé que George Best avait popularisé, suite à ses séjours réguliers aux Canaries, Majorque, Marbella… Plutôt maillot dans le short, le cheveu ras, le regard noir sous des sourcils charbonneux, il laisse éclater une virilité latine brute, moins diaphane que celle de David Ginola. Un virilisme cependant battu en brèche par un Canto heureusement bourré d’autodérision, coiffé d’une charlotte rose dans une pub pour les rasoirs féminins Bic…

Outre-Manche, Éric the Red est l’arrogance française personnifiée mais adulée, à la fois De Gaulle et Napoléon, vénéré comme la première et unique rockstar française. Alignement des planètes, encore : c’est carrément au moment où le Tunnel sous la Manche est inauguré en 1993 que l’aura de Cantona fait pénétrer en Albion une hype française inédite.

Sur la très branchée chaîne TV anglaise Channel 4, Antoine de Caunes et Jean-Paul Gaultier animent à partir de 1993 l’émission dingo Eurotrash et dans la foulée la French Touch, le rap de MC Solaar et même la pop de Air trouveront en Albion leur terre d’élection !

 Vol de mouettes et baisser de rideau…

En foot, Éric a carrément transformé Old Trafford en enclave française où s’agitent des drapeaux tricolores et d’où s’élève la Marseillaise ! En 1994, l’Angleterre se couvre de grands panneaux publicitaires Nike à la gloire du King, regard fier sur fond de drapeau anglais : « 1966 fut une grande année pour le football anglais. Éric Cantona est né ».

Le flow d’Éric Cantona

Consécration suprême, le King est associé au seul titre remporté par les Three Lions, la Coupe du monde 1966, mais aussi à l’Euro 1996 qui se disputera en Angleterre !

A l’été 1994, Éric s’était aussi payé une escapade au Mondial US en commentateur sur France TV avec Didier Roustan (ils lanceront en 1995 l’AIFP, premier syndicat mondial des footballeurs). T-shirts pop et casquettes NBA à l’envers, Éric redéfinit à nouveau aux USA les codes de la coolitude foot.

L’année suivante, il s’offre une autre escapade réussie dans le cinéma avec un rôle remarqué dans Le bonheur est dans le pré d’Etienne Chatiliez. Le 25 janvier 1995, à Crystal Palace, Éric redevient, hélas !, bad boy en balançant un high-kick à un supporter adverse idiot qui l’avait insulté. Le scandale est énorme outre-Manche et la longue suspension de huit mois écorne un temps son image. Une décision qu’Éric-le-terrible commentera en conférence de presse d’une saillie légendaire, en anglais : « Quand les mouettes suivent un chalutier, c’est parce qu’elles croient que des sardines vont être lancées à la mer. Merci ». Du Canto XXL qui renforcera son statut de star…

Pour la marque Sharp («Précis, pointu, affuté ! »), Canto est tour à tour randonneur puis Père Noël, assumant en freestyle absolu ses coups de sang, les sardines, les mouettes, etc ! Mais sa suspension l’a éloigné des Bleus de Jacquet qui bloque à 45 capes et 20 buts son bail tricolore au profit de Zidane à l’Euro 96. Un coup dur qui hâtera sa fin de carrière inattendue en mai 1997, à 30 ans pile, après un quatrième et ultime titre de champion avec MU (143 matchs, 64 buts).

Alex Ferguson lui gardera une gratitude éternelle pour avoir fait de United un géant mondial et pour avoir couvé sous son aile ses Babes (Giggs, Beckham, Butt, Scholes, Neville Bros), vainqueurs de la C1 1999. Éric Cantona a été un des inspirateurs revendiqués de So Foot : il était en couv’ du deuxième numéro (le « 0 bis »), sorti en 2002…

Le flow d’Éric Cantona
Chérif Ghemmour

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