NEYMAR Le flow de Neymar

« Neymar est le meilleur exemple du ‘footpop-player’, un mélange de footballeur et d’artiste pop, qui rassemble les talents des stars avec l’irrévérence de l’artiste. Ce profil dégage un spectre commercial très large. » Ainsi s’extasiait Washington Olivetto dans le grand média brésilien, Veja, en mars 2014.

Et le bonhomme de 72 ans avait une expertise certaine dans le marketing sportif vu que c’est lui qui avait piloté les campagnes de com révolutionnaires de la Démocratie Corinthiane de 1982 à 1985.

Midas touch et Chaussettes hautes…

À seulement 22 ans, Neymar Junior, arrivé un an plus tôt au Barça, personnifiait à merveille la Midas touch, transformant tout ce qu’il touchait en or ! Des dons du ciel déjà hyper monétisés dans son pays d’origine…

Le génie précoce du FC Santos, as du futebol de rue et du futsal, parrainé par Pelé en personne qui lui avait sagement conseillé de ne pas partir trop tôt en Europe, et inspiré par Ronaldinho et Messi, avait déjà presque tout gagné depuis ses débuts en pro en 2009 à 17 ans.

Pour se distinguer, le surdoué attaquant et meneur avait très tôt joué avec les chaussettes par-dessus les genoux. Un gimmick adopté avec Santos, poursuivi au Barça, au PSG et avec la Seleçao , puis remplacé récemment par des genouillères. 

Tudo Bem !

L’argent ? Il en gagnait beaucoup depuis qu’il avait signé à 11 ans à Santos : « J’ai toujours été payé pour jouer au football. Mieux : grâce à mon père (resté son agent, ndlr) qui est un crack des négociations, je recevais toujours le double de mes petits camarades ». À 15 ans, il palpait 4500 euros mensuels, 80 000 à 17 ans et à 19, il émargeait à 225 000 !

En ressuscitant avec sensualité le joga bonito, dribblant comme on danse, le Wonderkid a collectionné les surnoms Ney, Neymaravilha (maravilha = merveille), Reymar (Rey = roi) et les groupies transies, les Neymarzetes. De par son triple métissage (blanc, noir, indien), il parle au monde, incarnant la face solaire du Brésil éternel, de l’optimisme Tudo Bem !, pouce levé et sourire éclatant.

Au pays, chacun de ses looks est aussitôt imité ! Il fait et défait les modes, mélangeant toutes les cultures du monde de très jeune métrosexuel globalisé. Sa passion tatouage démarrée très tôt est ainsi un étonnant patchwork qui lui couvre tout le corps. Les inscriptions Tudo passa (« Tout passe », en brésilien), Blessed, Life is a joke, Stay strong, Sorella (« sœur », en italien) voisinent dans le désordre avec les symboles Peace & love, clés de sol et une prière Que Deus me abençoe e me proteja » (« Que Dieu me bénisse et me protège »). 

Bankable et stylé

Comme pour sa frénésie des tatouages largement copiée, les fameuses crêtes iroquoises de ses débuts sont aussitôt reproduites par tous les jeunes Brésiliens. Ney s’essaiera ensuite à plus de quarante coupes de cheveux excentriques… Influences US obligent, il parade en casquettes NBA, emprunte aux couleurs flashy de surfeurs, tâte du bandana gangsta Tupac, en alternance avec les petits chapeaux élégants qu’il remet au goût du jour. Il ose même les lunettes de vue sans qu’on sache s’il est myope ou non.

Son bling-bling se résume aux montres or, platine ou serties de diamants ainsi que ses chaînes et croix chrétiennes sobres ou gothiques. Son physique très longiligne (1m75) lui autorise à la fois l’élégance sportswear (jean’s slim, T-shirt et baskets) ou le classicisme chic (smoking, nœud pap et souliers vernis). Star précoce des réseaux sociaux (170 millions de followers cumulés en 2016, deuxième derrière CR7), il croule sous les contrats publicitaires prestigieux (Lupo, Police, Replay, Gillette, Red bull, Volkswagen ou Nike, dont les 11 années de contrat lui garantissent dès ses 19 ans un pont d’or). 

Le Junior de la MSN 

Voilà pourquoi en signant le 26 mai 2013 au FC Barcelone pour 88 millions d’euros, Ney n’a pas exactement fait le grand saut en Europe pour s’y enrichir : il était déjà un golden boy au Brésil ! Malgré les jugements un peu prémonitoires de Johan Cruyff, gardien du temple blaugrana («C’est une erreur énorme de l’avoir recruté. Neymar est un grand joueur qui peut se perdre »), le crack do Brazil va prendre au Barça une dimension stratosphérique.

Troisième étoile dorée de la fameuse MSN, avec Messi et Suarez (131 buts lors de la saison 2015-16 !), le dribbleur magnifique rafle le grand chelem 2015, doublé coupe-championnat, Ligue des champions et Coupe du monde des clubs. Le monde entier lui prédit alors de succéder au duo de Titans, Messi et CR7 : « Pour Ney, le Ballon d’Or  n’est qu’une question de temps », avance alors Kakà, dernier lauréat brésilien en 2008. Le 8 mars 2017, l’extraordinaire remontada contre le PSG (6-1) où il a clairement éclipsé Messi devient La noche de Neymar (« la nuit de Neymar ») selon beaucoup de médias espagnols. 

Nike-or pour Neymor !

Mais comme en 2015, celui que le Time a classé parmi les 100 personnes les plus influentes dans le monde ne finira que troisième… Pas grave ! Malgré l’échec de la Seleção au Mondial 2014 à domicile où ses larmes ont ému la planète suite à l’agression du Colombien Zuniga en quarts, « Reymar » a offert à son pays la première médaille d’or en football lors des JO 2016 à Rio !

Capitaine au symbolique numéro 10, il s’illustre en finale d’un coup franc en lucarne, d’un tir au but décisif célébré façon Usain Bolt, autre héros des JO de Rio, et d’un bandeau 100% Jesus d’évangéliste lourdement prosélyte… 

Ayant déjà transformé son nom en logo commercial, NJR (comme Neymar JunioR, avec le N formé du chiffre 11, son numéro au Barça), qui décline une ligne de vêtements, s’être associé à son idole Michael Jordan afin de créer un modèle Neymar de la Air Jordan, puis chaussé de façon très lucrative ses Nike-or au Mondial 2014 (il a remplacé Cristiano Ronaldo en 2016 comme égérie Nike ), il est devenu en 2017 le sportif le plus « bankable » au monde avec 55,5 millions d’euros annuels, dont 22 en publicités diverses ! 

Le Prince du Parc

L’argent coule à flots pour l’icône planétaire dont la démesure déjà montée de plusieurs crans va atteindre des sommets. Outre sa passion ruineuse pour le poker, dont il est ambassadeur pour le site PokerStars entre 2015 et 2017, avec virées à Las Vegas, il  accumule bolides (Ferrari 458 Spider), yachts (le Nadine, du prénom de sa mère, long de 25 mètres), jet privé siglé NJR sur le fuselage et les villas luxueuses où les fiestas grandioses succèdent aux teufs grandioses !

Le summum de la carrière de Neymar survient à 25 ans lorsque le 3 août 2017 il signe cinq ans au PSG pour 222 millions d’euros et 30 millions de salaire annuel (hors primes), devenant le joueur au transfert le plus cher de l’histoire, un record toujours inégalé. Le PSG arbore aussitôt un inédit maillot jaune en référence à la Séleçao et Ney hérite du numéro 10, cédé par Javier Pastore, qu’il peut enfin porter en club.

Il régale vite avec des gestes de classe, telle la lambretta, sorte de roulette-sombrero très free-style par-dessus le Toulousain Corentin Jean qui met le Parc à ses pieds… Hélas ! Si son rendement moyen est acceptable lors des premières saisons, avec une contribution indéniable dans l’accession en finale de C1 2020, ses blessures à répétition inquiètent. 

Puma King pour un Roi déclinant

En octobre 2021, il jette un froid en déclarant à DAZN : « Je pense que 2022 sera ma dernière Coupe du monde. Je ne sais pas si j’aurais la force mentale pour continuer dans le football. » Traduction : il n’a plus trop la foi pour briller en club et ce, malgré l’arrivée de son pote Messi arrivée au PSG à l’été. Pas très corporate pour son nouvel équipementier qui lui a consacré un modèle de la lignée King, la Puma Future Z 1.1 Creativity…

Après avoir écumé les établissements festifs parisiens, il s’est peu à peu cloîtré à partir du confinement dû au Covid dans son immense villa de Bougival, entouré des impayables Toiss, ses cinq amis d’adolescence des années Santos. Le corps de celui qui se vantait d’être le seul footballeur capable « de performer sur le terrain, tout en profitant de la vie », succombe peu à peu aux fiestas alcoolisées et au poker nocturne au son de Música sertaneja.

En six saisons à Paris, malgré ses 118 buts et 77 passes décisives en 173 matches, il aura passé 622 jours hors des terrains, zappant plus de 110 matches sur blessures aux convalescences pas toujours sérieuses… 

Exil saoudien

À  l’été 2023, le nouveau coach Luis Enrique le débarque, appuyé par la direction du PDG. Un fiasco parisien total ? L’ancien directeur général du club, Jean-Claude Blanc, le réfute dans Léquipe.fr du 14 juin 2024 : « Le PSG est devenu une marque mondiale de sport. Le club vient de se valoriser à plus de 4 milliards d’euros et je pense que Neymar y est pour quelque chose.» Mouais…

En août 2023, le Ney fait encore sauter la banque en signant au club saoudien Al-Hilal pour un montant estimé à 100 millions d’euros, avec un salaire annuel avoisinant les 150 millions. Les 400 millions d’euros de transferts en cumulé (Santos, Barça, PSG puis Al-Hilal) en ont fait le joueur le plus onéreux de l’histoire du football.

Neymar n’aura jamais gagné le Ballon d’Or, ni la Coupe du monde mais grâce à sa Midas touch de footpop-player, il est enfin parvenu à « gagner » un titre de Numéro 1 mondial… 

Mondial 2026 : espoir ou mirage ?

Blessé au genou le 17 octobre 2023 avec la Seleção, il n’a disputé que cinq matches dans une  Saudi Pro League qui rêvait d’en faire sa tête de gondole. Une blessure que le jet-setteur insaisissable, « capable d’être le lundi au Brésil, le jeudi à Miami et le samedi à Barcelone » selon L’Equipe, soignera de façon déplorable.

A 32 ans, son hédonisme négligé de barbu aux kilos superflus avait à nouveau jeté le trouble quant à son avenir de footballeur avant sa reprise espérée en août en championnat saoudien.

Au pays, certains supporters espèrent sa présence au Mondial 2026 à un poste de N°10 où aucun successeur n’émerge vraiment au sein d’une sélection nationale apathique. Le dernier grand souvenir de l’artiste qui avait battu le record de buts en Seleção (79, en 128 matches) détenu par le Roi Pelé remonte à ce but magique contre la Croatie, en quarts du Mondial 2022. C’était il y a une éternité…