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ROCQUANCOURT FC Rocquancourt : l’histoire du maillot le plus cool du football amateur
L'histoire du maillot le plus cool du football amateur, en 4e division du Calvados.
Au début du mois de septembre, le FC Rocquancourt, club de quatrième division du Calvados, a fait sensation dans les médias avec son nouveau maillot extérieur et le shooting photos qui va avec. Axel Chauvierre, responsable communication du club et patron de l’agence Doki Doki à l’origine de cette opération, revient sur ce buzz.
En quelques mots, tu peux te présenter et nous dire comment tu en es arrivé à réfléchir au design d’un maillot de D4 ?
Un groupe de séniors s’est construit pour relancer le club de foot de Rocquancourt qui avait une équipe vétéran et historiquement une grosse école de foot. À la base, j’arrive pour jouer les dernières années de foot qui me restent et kiffer avec les gars. Et ensuite, je me suis proposé pour filer un coup demain à la communication du club. J’avais plein d’idées en tête pour qu’on s’amuse avec les joueurs et tout le club. Je ne suis pas très manuel du coup j’essaye d’apporter ma pierre à l’édifice. De là, on a commencé à retravailler le logo et ça a ouvert les portes sur un nouveau maillot.
Ca débouche sur ce maillot qui a eu le succès que l’on sait. Quel était l’objectif : faire du FCR le club le plus stylé du monde amateur ?
À la base, l’idée qu’on avait avec Théo Hamel (le photographe) et Théo Dufour (mon collaborateur), c’était de trouver un moyen de valoriser le football amateur par un levier purement esthétique. C’est quelque chose qui a été trop peu fait à mon goût. Les clubs amateurs essayent de ressembler à des clubs pros, sauf qu’il faut prendre en compte qu’il y a des bénévoles, des histoires, des familles, une idée du foot romantique… On avait pour ambition de connecter Rocquancourt à son club de foot. Une nouvelle équipe sénior s’étant créée, c’était naturel de revoir la direction artistique du club. Avec l’accord de la présidente, on avait carte blanche pour mettre en place ce qu’on avait en tête : valoriser le foot amateur par nos photos et valoriser le sponsor avec nos idées. Après, secrètement, on espérait peut-être avoir cette étiquette de club le plus hype de Normandie (rires) !
Quel est le processus de fabrication de ces maillots ?
Tu as deux solutions : dans les deux cas, tu es obligé de passer par un revendeur. Nous, par nos connaissances au club, on avait un revendeur Macron à Caen qui pouvait nous équiper. Soit tu décides de faire un maillot sublimé : l’impression se fait sur le tissu et ensuite le maillot est assemblé, ce qui fait que tu pars d’une page blanche mais c’est assez cher, soit tu prends un maillot dans le catalogue du revendeur Macron. C’est ce qu’on a fait pour ce maillot extérieur. Ensuite, le revendeur passe ton maillot au flocage : logo, numéro, sponsor. Nous, on a ajouté une étape : je voulais absolument des écussons brodés. Donc on en a commandés chez un fournisseur à Saint-Malo qui nous les a envoyés, puis une couturière les a cousus sur les maillots.
Quelles ont été les retombées de toute cette opération ?
On a eu beaucoup de retours sur les réseaux et les médias spécialisés comme So Foot : on s’est retrouvés coincés dans le feed Instagram entre Chelsea et Barcelone, c’était un truc de malade, on ne pouvait pas penser que ça prendrait une telle ampleur ! C’était une vraie fierté. Nos photos ont été vues plus de 3 millions de fois. Footballogue, Point de Penalty, Footpack, Footy Headlines ou Off the Pitch ont également relayé nos photos ! Quand tu vois que ces pages relayent ton travail, tu te dis que tu es dans le vrai et que tu as réussi ton pari. Le président de Malherbe (PAP) a aussi fait un tweet sur nous. C’est très positif. On a remué des souvenirs sur Twitter, de gens qui sont passés par Rocquancourt, qui ont joué dans le club, ou qui ont de la famille. C’est ce genre de retours qui nous a le plus touché.
Et vous avez même fini par vendre des exemplaires de ce maillot !
Ça a vraiment fait effet boule de neige, on n’a même pas eu le temps de publier toutes nos photos que la machine Internet était lancée haha. Après plusieurs demandes en message privé, on a fini par mettre nos maillots en vente. On a eu quasiment 140 commandes, dans 12 pays dans le monde entier. Le plus dur à faire, c’est clairement la logistique : on n’était pas armés pour vendre autant de maillots. Du coup, il fallait commander les bonnes tailles de maillots, les écussons, les emmener à la couturière. C’était assez long mais les gens ont été compréhensifs et ont compris qu’on galérait ! C’est cool, ça apporte une source de revenus supplémentaire pour le club. On sait que c’est dur pour tout le monde et apporter des fonds de cette manière, c’est non-négligeable pour la pérennité de notre club.
Après, secrètement, on espérait peut-être avoir cette étiquette de club le plus hype de Normandie !
L’un des éléments qui fait la singularité du maillot, c’est le logo.
Le logo a été le point de départ de tout ça. On a voulu trouver une symbolique forte pour que les gens de Rocquancourt s’identifient, comprennent les références et que tout ça fasse sens. Créer du lien, c’est le but d’une association. Du coup, on est parti d’une vieille carte postale des années 30 sur laquelle on voit un mineur assis devant sa mine. À Rocquancourt, une forte communauté italienne s’est installée pour travailler les mines de fer. Cette ville a une vraie histoire d’époque en époque et c’est ce qu’on a voulu traduire dans notre logo. On a ajouté des feuilles d’érables symbolisant le lien fort entre le Canada et notre commune. Les Canadiens, pendant la seconde guerre mondiale, ont eu leur première opération d’envergure dans notre commune. Depuis, de forts liens existent. Une fois qu’on avait le logo, il fallait travailler un maillot… parce qu’on n’en avait pas de récent ! Du coup, on est parti sur l’idée de lui donner un nom, de le baptiser, comme en MLS. On l’a appelé « Le Renaissance » car c’est un nouveau souffle pour le club. Et on a donné des allures rétro, années 80-90, au maillot pour qu’il fasse le lien entre toutes nos idées.
Et l’autre marqueur fort, c’est la bouteille de vin qui accompagne votre sponsor, le restaurant-caviste « Les Mets-Chai » à Caen, sur le torse. Elle sert à accentuer le lien avec le foot amateur ?
On cherchait un partenaire qui serait en lien avec ce qu’on voulait mettre en place. Je connaissais JC, le patron, et le hasard fait que ses parents se sont mariés à Rocquancourt ! Il adore le foot des années 90, la connexion s’est faite naturellement. C’est le logo de cave à vins qu’on voit sur nos maillots. Ce lien avec le foot amateur et la troisième mi-temps nous plaisait mais on voulait le faire avec le prisme du beau et une certaine esthétique. Avec tout ce qui passe dans le foot avec l’argent de l’Arabie saoudite ou du Qatar, prendre le contre-pied et revenir à ce qui fait qu’on aime le foot, ça me plaisait. On voulait mettre en valeur les vraies valeurs du sport. Moi, mon objectif c’était aussi de créer un lien avec Rocquancourt, créer du sens avec la communauté. C’était ça le parti pris qu’on avait.
Dans l’esthétique des photos, on sent l’influence, toutes proportions gardées, de ce qu’on peut voir dans les shootings photo qui marchent bien en ce moment avec le FC Venezia par exemple.
Oui évidemment, c’est une grosse référence qu’on avait. On est assez fans du taff du Bureau Borsche à la comm’ de Venise. On aimait le travail au flash pour donner un côté très lifestyle et s’écarter des classiques du foot. On a tout pensé en amont pour que tout fasse sens. Un maillot « Le Renaissance » ne pouvait pas être moderne, ou dans la rue ou autre. Il fallait des endroit datés, vieillots, et un shooting très mode, des tenues vintage et un visage. Romane, la modèle, a ça quand on prend des photos ; elle sera le visage de Rocquancourt pour la suite ! On a beaucoup échangé, partagé des contenus avec Théo, on a des veilles assez poussées sur le sujet. On s’est fait un document et on a passé de longues heures à débattre sur ce qu’on pouvait faire. On est sur la même longueur d’ondes donc c’était très fluide. Après, on peut se prendre la tête tous les deux sur un micro détail que les gens ne verront sans doute pas, c’est ce que je trouve intéressant. On y met beaucoup de passion et ça se voit. Enfin je crois !
Nos photos ont été vues plus de 3 millions de fois !
Dans le shooting photos, vous mélangez le côté mode sur les photos qui mettent la jeune femme en scène avec le côté un peu plus stéréotypé du monde amateur avec l’alcool, le gars torse-nu… C’est difficile de se défaire de l’esprit foot district, hein ?
On ne veut pas forcément se défaire de ce lien, on veut justement le valoriser en cassant les codes, en essayant de faire ce grand écart entre foot amateur et mode lifestyle. Nous, on pense que valoriser le foot amateur est le plus important. La question, c’est comment on valorise l’humain. On veut valoriser la D4, c’est-à-dire le foot que tout le monde connaît, même les joueurs pros. Le shooting s’est passé en deux temps : une partie chez le sponsor, l’autre dans des lieux de Caen un peu datés, pour coller avec nos envies de vintage. Le district, on l’aime, tout le monde le connait, c’est quasiment une madeleine de Proust. On veut le conserver, c’est dans notre ADN. Il y a plus d’amateurs que de pros, et plein de pros ont connu cet univers. Il est trop peu mis en avant par un côté artistique, ça va être notre job de continuer de faire ce grand écart entre le style blokecore (inspiré des hooligans anglais, ndlr) et la troisième mi-temps !
Depuis que vous avez révélé le maillot, avez-vous vu un concurrent avec un aussi beau maillot que vous ?
On regarde tout ! On s’envoie des trucs H24 avec mon équipe. On est bouffé par les shooting, les contenus, les idées, les designs de maillots… Et pas que dans le foot pro : on arrive à s’envoyer des contenus de D3 allemande, c’est notre drogue ! Si je pouvais donner un conseil aux autres clubs, c’est de valoriser leur club avec honnêteté. Avant de penser à se prendre pour des clubs pros, trouver des axes qui feront des liens avec les habitants, le maire, les commerçants. Il ne faut pas oublier qu’on reste des associations, qui ont des enjeux sociaux, d’échange, de partage et de lien. Il ne faut surtout pas se prendre pour ce qu’on n’est pas. Nous, on a fait tout ça avec passion et sans argent. Simplement avec du temps et de l’envie d’avancer. Les clubs amateurs peuvent et doivent trouver leur voie, leur DA et leur histoire.