Mode et tendance
Chaussettes baissées, une hype sans risque ?

Dans le sillage de Kvaratskhelia, Grealish ou Memphis, de nombreux footballeurs jouent avec des chaussettes baissées.
Vous l’avez remarqué : depuis quelques années, dans le sillage de Khvicha Kvaratskhelia, Jack Grealish ou Memphis Depay, de nombreux footballeurs jouent avec des chaussettes baissées très bas. Problème : cette mode entraîne l’usage de petits protège-tibias. Un danger pour l’intégrité physique des joueurs, selon entraîneurs et éducateurs de jeunes…
Quand le talent de Jack Grealish a éclaté en Premier League vers la fin des années 2010, ses chaussettes baissées à mi-mollets étonnamment énormes ont aussitôt sauté aux yeux ! Une petite superstition au départ, déclarait-il au Daily Mail : « Vers 14-15 ans, à Aston Villa, nos chaussettes rétrécissaient au lavage. À l’entraînement, je ne pouvais pas les enfiler sur mes mollets parce que trop petites. J’ai donc commencé à les porter sous mes mollets à l’entraînement et cette saison-là, j’ai fini par très bien jouer. J’en ai donc fait de même pendant les matchs et ça m’est resté parce que j’avais fait une très bonne saison. »
Et le crack numéro 10 des Villans est devenu une star de PL, appelé chez les Three Lions en 2020 puis à Manchester City en 2021. Citizen adoré de toute l’Angleterre, le sympathique Jack s’est mis avec le temps à jouer avec les chaussettes de plus en plus basses.
On ne sait pas s’il a lancé la tendance (avec Memphis Depay ?) mais depuis quelques années, de nombreux grands footballeurs font de même : Wirtz, Openda, Di Marco, Alexander-Arnold, Brobbey, Ugarte, Zirkzee, Fermin Lopez et aujourd’hui, sous les feux des projecteurs : Khvicha Kvaratskhelia.
Cette mode des bas baissés trimballe un petit côté vintage qui nous rappelle le football d’antan et ses héros aux splendides mollets dénudés, leurs bas sur les chevilles, tels Trésor, Bossis ou Breitner et comme tant d’autres qui se délestaient de leurs protège-tibias, notamment lors des fatigantes prolongations.
Jusqu’à ce qu’en 1990 la FIFA rende obligatoire les protège-tibias qui, couvrant l’intégralité des deux tibias, doivent donc monter jusqu’aux genoux. Et à partir de 1990, nos héros du ballon aux bas bien haut nous ont émerveillés et nous ont incités à porter aussi ces nécessaires protections…
Inventés en Angleterre par le capitaine de Nottingham Forest Sam Weller Widdowson au début des années 1880, à l’époque où le football naissant était encore très violent, les protège-tibias appelés shin pads ou shin guards (de « shin », le tibia) assuraient une protection minimale aux joueurs.
En 1990, la FIFA avait tenu compte des études médicales toujours contemporaines démontrant que 62,7 % des footballeurs sont blessés au cours d’une saison et que 82,9 % de ces blessures touchent le bas de leurs jambes. Le tibia étant considéré comme zone très sensible (coupures par crampons, fractures, traumatismes osseux), les protège-tibias, shin pads ou shin guards se sont imposés, fabriqués en caoutchouc, plastique, fibre de carbone, avant la généralisation du polypropylène.
Et sans faire de jaloux parmi les quatre grandes marques, les connaisseurs s’accordent à vanter la qualité de ces quatre modèles : les Nike Mercurial Lite shinpads, les Mitre Aircell shinpads, les Adidas Predator League shinpads et les Puma Ultra Flex shinpads. Depuis 1990, les protège-tibias sont donc obligatoires dans toutes les compétitions, des équipes de jeunes jusqu’aux pros.
Avant un match, l’arbitre doit s’assurer que les joueurs en portent et qu’ils soient bien recouverts par les chaussettes. Problème : si les protège-tibias sont obligatoires, ni la FIFA et ni l’IFAB (l’instance internationale qui fait évoluer les règles du jeu) n’ont déterminé avec précision la taille de ces shin pads.
Or, avec la hype Grealish des chaussettes baissées de plus en plus bas, les dimensions des protège-tibias se sont conséquemment très, très rétrécies !
Le site anglais traineffective.com spécialisé dans les projets éducatifs des jeunes footballeurs avait enquêté en 2023 sur la hype grealishienne des « mini pads » popularisés aussi par Harry Maguire ou Dominic Calvert-Lewin. Selon traineffective.com, beaucoup de footballeurs se sont mis à ces (très) petits protège-tibias pour trois raisons principales.
Par confort : des protège-tibia moins volumineux et plus légers provoqueraient moins d’irritation et peuvent reposer plus facilement sur le tibia sans toucher les muscles qui l’entourent. Ils peuvent également mieux convenir à certains joueurs, en particulier à ceux qui ont des muscles de mollet plus gros (Harry Maguire, par exemple).
Enfin, l’effet de mode ! L’importance grandissante chez les joueurs de l’image et du branding les pousse à se démarquer constamment, par leur style, sur et en dehors du terrain. Dès sa période Aston Villa, le bon Jack faisait déjà la promotion de ses tout petits protège-tibias customisés avec photo couleurs de lui et de sa gonzesse, siglés à ses initiales JG et à son N°10 !
La customisation des protège-tibias débutée bien sûr avec les CR7, Neymar jusqu’à « Dibu » Martinez aujourd’hui (avec photos de famille avec femme et enfants) s’est étendue jusqu’à leur personnalisation chez les jeunes et dans le monde amateur.
Comme on peut se floquer son nom sur son maillot de club favori, on peut aujourd’hui se faire fabriquer des protège-tibias de toutes tailles, avec son nom, son numéro, sa photo ou celles de ses chats…
En Angleterre, le phénomène des mini shin pads commence à sensibiliser entraîneurs et éducateurs de clubs, inquiets de la protection insuffisante de ces accessoires trop légers et qui séduisent de plus en plus leurs jeunes joueurs. En décembre 2023, le jeune milieu de Brighton, Jack Hinshelwood (18 ans), avait stupéfié l’Angleterre avec ses protège-tibias de la taille d’une petite boîte d’AirPods…
On se souvient aussi qu’en novembre dernier, lors du match de C1 Bayern-PSG, au moment de son entrée en jeu, Michael Olise (22 ans), avait enfreint l’obligation FIFA en se délestant de ses (très petits) protège-tibias jetés sur le bord du terrain ! Une sacrée entorse à l’exemplarité des pros en direction des petits footeux…
Or, les sites d’achats en ligne d’accessoires de football font la part belle aux petits protège-tibias, offrant une gamme très large allant du M size (taille moyenne), au S size (petite taille) jusqu’au XS size (taille mini). La customisation très colorée et la promotion assurée par des stars (Grealish, Dybala, Wirtz) de ces mini shin pads visent évidemment un jeune public qui, par admiration mimétique, va être enclin à imiter ses aînés.
Conséquemment, après les récriminations sur la BBC prononcées par Bob Sangar (médecin des Wycombe Wanderers) contre leur manque de sécurité pour l’intégrité physique des joueurs ou celles d’Andy Clarke (dirigeant et coach des jeunes de Colchester Villa Youth FC), le club de Whitley Bay FC Junior in Tyneside a banni les mini pads. « Notre club ne les tolèrera plus, du fait de leur protection insuffisante, a-t-il été adressé dans une note aux parents via Facebook. Tous nos joueurs devront porter des protège-tibias de grande taille normale aux entraînements et aux matches. »
Comme tous ses suiveurs, Jack Grealish devra-t-il bientôt porter des protège-tibias plus grands et renoncer ainsi à sa superstition ?
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