Interview - Culture maillots
Comment as-tu eu l’idée de créer ce compte OM Flocages ?
On est 3-4 dans l’histoire, abonnés depuis plus de 10 ans, donc ça doit remonter probablement à la période Bielsa. C’est aussi un peu la période où tous les smartphones commencent à avoir un appareil photo de qualité. Avant les matchs, on voyait des flocages qui nous faisaient délirer entre potes, c’était un truc qui nous faisait marrer. On se connaît depuis le lycée, on bosse chacun de notre côté, mais on se retrouve au stade. En fait, on habite même à des endroits différents, on vient au Vélodrome par des chemins différents, donc notre point de ralliement est vraiment dans la tribune, au virage Nord. À un moment, on s’est rendu compte que, limite, quand on se retrouvait, le premier truc dont on parlait, c’était ça. Je crois qu’il n’y avait pas encore WhatsApp à l’époque, mais on se les montrait, on se les envoyait sur Messenger. Au fil des années, on a accumulé une collection incroyable, et on en rigolait en se disant qu’on pourrait en faire un livre ou un recueil. Finalement, c’était plus simple de faire un compte Instagram. Je crois qu’on en est à notre troisième saison. On a notre petit public. C’est vrai, parfois, on n’est pas très malins dans ce qu’on poste, mais c’est juste trop drôle et on ne peut pas garder ça pour nous…
Comment procédez-vous ?
Au départ, c’était galère, il fallait vraiment être proche pour avoir une photo de qualité. Maintenant, c’est plus simple, tu peux zoomer. En vrai, ce n’est pas compliqué, tu gardes ton téléphone à la main quand tu te rends au stade. Tu auras forcément l’occasion de dégainer trois ou quatre fois sur le trajet : dans le métro, devant le stade, devant les bars aux alentours, avant le match, après le match… On est furtifs parce qu’on n’a pas envie de déranger les gens. Mais parfois, c’est trop, on ne peut pas passer à côté, alors pour avoir une belle photo, on les arrête et on leur demande de poser de dos. Comme ce couple où lui avait le « J » et elle le « S ». L’avantage d’Instagram, c’est que tu peux inciter les gens à contribuer aussi, et certains sont fiers de nous envoyer directement ce qu’ils ont floqué.
Est-ce que, finalement, ces flocages, avec beaucoup de second degré, de fierté et de ferveur, ne racontent pas ce Marseille que tout le monde adore ?
Totalement. D’ailleurs, je ne sais pas si ça répond à la question, mais on voit bien plus de maillots floqués pendant les vacances scolaires, parce que ce sont des supporters de Marseille qui viennent de l’extérieur. Tu vas sur la Canebière, devant la boutique du club, ou devant celle du stade, et tu vois des maillots qui viennent tout juste d’être sortis de la machine. C’est ça Marseille : c’est la volonté de porter son beau maillot quand on vient au stade pour voir l’OM. Et quand on ne peut pas venir tout le temps parce qu’on habite loin, on en rajoute. Ça témoigne d’une chose : pur Marseillais ou pas, on a toujours affaire à des passionnés de l’OM, c’est ce qui fait la force de ce club. Il y a ce côté « on va faire plus Marseillais que les Marseillais » qui est presque touchant. Mais ça reste surtout toujours très drôle. D’ailleurs, après une défaite, certains nous disent qu’ils se passent nos stories pour se remonter le moral.
Est-ce que tu as en tête des flocages qui, rien qu’en y repensant, te font rire nerveusement ?
Il y en a trop, vraiment beaucoup trop. C’est peut-être pour ça qu’on s’est bien amusés en décembre dernier en faisant un calendrier de l’Avent avec un numéro correspondant à chaque jour. Certains jours, on a galéré, mais « Covid 19 », « Glou Glou 24 », ça passe crème. « 21 Crapaud », ça me tue. La dernière fois, il y en avait un au virage Nord avec nous, il avait juste floqué « Staline » derrière son maillot. Mais pourquoi ? Comment peut-on en arriver là ? Il a payé pour ça… Les mecs qui se floquent des joueurs qui ne sont pas à l’OM, ça compte aussi. On a vu un « Jadon Sancho 70 » par exemple. Le gars va être content s’il signe au PSG un jour. Il y a quelque temps, des mecs croyaient vraiment que Cristiano Ronaldo allait être prêté à l’OM par Al Nassr. Ils ont floqué « Ronaldo 7 », tout simplement ! Ah, bah justement, en parlant de lui, j’ai la réponse toute trouvée, j’avais oublié ce flocage incroyable : le dernier maillot de l’OM floqué au marqueur avec le nom « SU » et le numéro 7. Merci, au revoir.
À l’origine, tu es fan de maillots voire de maillots floqués ?
J’avais un seul maillot floqué, c’était Vieira sur un maillot extérieur d’Arsenal en 2004. Et franchement, si c’est pour moi, j’ai tendance à préférer les maillots sans flocage. Mais là, sur notre compte, on n’est pas dans la réidentification de joueurs, on parle de gens qui paient pour afficher un délire qu’ils ont eu avec des amis ou de la famille. D’ailleurs, on reçoit parfois des messages de personnes qui nous demandent si on floque des maillots, ou s’ils peuvent acheter un modèle qu’ils ont vu en story. C’est flatteur, mais on les redirige gentiment vers la boutique officielle.
Maintenant, ce qui compte pour les services communication des clubs, c’est de raconter des histoires autour de l’équipe. L’influenceur « Titi (c’est toi le boss) » était avec Amine Harit sur sa vidéo de présentation en 2021 par exemple. Ton objectif, c’est que l’OM ou l’équipementier vous contactent un jour pour un partenariat ?
Pour être honnête, on n’y a jamais vraiment pensé. Rien que d’être suivi par le compte du club, on serait contents. On n’a pas d’objectif, c’est juste de la déconne. On se donne rendez-vous pour le prochain match, et on se dit juste qu’il va falloir faire des provisions de photos car c’est la fin de l’été. Il nous reste une poignée de matchs pour faire un stock. Après, il va y avoir des doudounes, des sacoches, c’est moins pratique pour repérer des pépites et les prendre en photo. On est quasiment sur un job saisonnier en fait !