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Saga Africa ! Christopher Wooh court au Paradis célébrer son but de la tête, celui du 3-2 final contre la Gambie qui vient de qualifier le Cameroun pour les 8èmes de finale. Dans les arrêts de jeu ! Le défenseur rennais est poursuivi par ses deux frères de locks, Georges-Kevin Nkoudou, qui lui a centré ce ballon aérien sur corner, et Zambo Anguissa, son capitaine. Puis c’est la joyeuse sarabande des Indomptables qui rappelle les belles effusions d’autrefois autour de leur glorieux aîné franco-camerounais, Yannick Noah : « Saga Africa ! Attention les secousses ! »
Sur la ligne de touche, leur coach Rigobert Song, longues tresses rasta tombant dans son dos, étreint ses adjoints : cette CAN de dingue est bien celle des dreadlocks en folie ! Car la plupart des sélections alignent des joueurs aux chevelures ainsi nattées, avec une mention spéciale pour le Ghana et ses six tressés ou la Guinée Bissau, cinq.
Nattes, tresses, mèches
On retrouve même des spécimens au sein des équipes d’Afrique du Nord, tels l’impayable Egyptien Mohamed Elneny ou bien les Algériens Hicham Boudaoui et Yasser Larouci, remplaçant. On a vu le Nigéria briller en attaque avec Moses Simon et Ademola Lookman, bien soutenus par Alex Iwobi aux locks en cascade. Le Burkina Faso s’est montré intraitable derrière avec ses natty dread Issoufou Dayo, Edmond Tapsoba et Issa Kaboré. Le flamboyant Angolais Mabululu aux mèches couleuvrines a expédié avec ses deux buts cruciaux les palancas negras à la première place du Groupe D !
Et lors du dantesque Sénégal-Cameroun (3-1), on a assisté sur le bord du terrain au duel de vieux Lions entre Rigobert Song et Aliou Cissé, aux fines et longues dreadlocks débordant de leur casquette.
Une tendance qui dure depuis quelques saisons
Dans cette CAN, question dreadlocks, la tendance dominante est aux longues nattes, épaisses ou fines, attachées par un bandeau ou un serre-tête et ramenées en arrière, les tempes rasées et bien dégagées, avec effet aérodynamique garanti (Iwobi, Anguissa). Ca peut être aussi un buisson chevelu d’où pointent les locks naissantes (Boudaoui, Salisu, E. Tapsoba) ou alors des mèches empaquetées en chignon sur le haut du crâne (C. Whoo).
Question coloris, pas d’excentricités à la Taribo West et ses nattes vert-Nigéria, hormis peut-être l’attaquant mauritanien Pape Ibnou Ba et ses courtes lianes aux bouts teintées en blond… Outre qu’il nous aide, nous, spectateurs et commentateurs TV, à identifier immédiatement sur le terrain certains bons joueurs que l’on ne connaît pas très bien, tels Mabululu, justement, ou Theo Bongonda (RDC), ce festival capillaire apporte à cette CAN 2023 un aspect léonin, conquérant, bien à l’image de cette édition palpitante.
Cette hype consacre aussi le retour prononcé des footballeurs à dreadlocks déjà observé depuis quelques saisons avec les Nathan Aké, Nkunku, Denayer, Rafael Leão, Camavinga, Wan Bissaka, Batshuayi, Moïse Keane, Renato Sanchez, Reece-James, etc…
Les descendants de Bob Marley et Ruud Gullit
C’est à la fin des années 70, avec bien sûr Bob Marley (artiste-footballeur), que la reggae music avait popularisé les dreadlocks, succédant dans la communauté noire à la célèbre coupe afro du Black Power américain. Et le bondissant Yannick Noah, vainqueur de Roland Garros 1983, fut le premier sportif très en vue à arborer de fines nattes qui voletaient sur les courts. Sauf qu’à Roland, elles étaient fausses : c’étaient des extensions de laine noire… qui seront vite remplacées ensuite par ses vrais cheveux tressés en cordelettes sexy !
Puis sont venus les footballeurs, tels le charismatique Ruud Gullit (footballeur et bassiste de reggae), le Lion Indomptable Cyrille Makanaky, le virevoltant Cobi Jones, Christian Karembeu, Henrik Larsson, Edgar Davids, Clarence Seedorf ou l’extravagant Abel Xavier et « sa complète » moustaches-barbe-locks blondes !
Les longues locks qu’on laisse sécher puis qu’on laisse pousser des années durant obéissent souvent à des rites religieux, dont certains remontent au védisme de l’Inde antique. Mais c’est avec la reggae music que les dreadlocks, littéralement « mèches de la terreur », du fait de leur aspect « terrifiant » au moment de leur apparition en Jamaïque au milieu du 20ème siècle, se sont épanouies un peu partout dans le monde.
Symbole d’unité
Elles sont l’un des symboles d’unité spirituelle dédiée au dieu Rastafari et un acte de résistance culturelle à Babylone, selon les rebels chevelus jamaïcains. Mais il y a aussi des dreadlocks authentiquement africaines, du Sénégal. Dreadlocks et toges multicolores sont les attributs visibles d’une confrérie musulmane appelée les Baye Fall. Et les nattes tressées du coach des Lions de la Téranga, Aliou Cissé, se réfèrent sans doute plus à cette tradition locale qu’à une reggae attitude de fumeurs de joints !
Reste que l’unité panafricaine prônée par les rastas retrouve de son éclat avec les dreadlocks qui fouettent l’air chaud de Côte d’Ivoire et avec, sur le terrain et dans les tribunes, l’explosion chatoyante des trois couleurs afro-rasta red, gold and green. Rouge, jaune et vert…